"On reçoit un livre de la bibliothèque scolaire. Distribution d'office dans les petites classes. De temps en temps seulement on ose exprimer un voeu. On voit souvent avec envie des livres désirés aller dans d'autres mains. Finalement on recevait le sien. On était totalement livré pendant une semaine à la vie du texte qui vous enveloppait de façon douce et secrète, dense et incessante, comme des flocons de neige. On y entrait dans une confiance infinie. Silence du livre, silence qui séduisait sans fin. Le contenu du livre n'était pas bien important. Car ces lectures appartiennent à une époque où l'on inventait encore soi-même des histoires au lit. L'enfant flaire leurs traces à demi couvertes de neige. Il se bouche les oreilles en lisant ; son livre est posé sur la table bien trop haute, et une main est toujours posée sur une page. Il doit encore déchiffrer les aventures du héros dans le tourbillon des lettres, comme une image et un message dans l'agitation des flocons. Il respire le vent des événements et tous les personnages lui soufflent au visage. L'enfant est plus étroitement mêlé aux personnages que l'adulte. Il est indiciblement ému par l'aventure et par les paroles échangées et, lorsqu'il se relève, il est tout entier recouvert par la neige de ses lectures."
Walter Benjamin, Sens unique (Maurice Nadeau, 1988). Traduit de l'allemand par Jean Lacoste
2 commentaires:
J’aime beaucoup ton article, je le trouve très bien écrit et structuré cela change car on a pas souvent l’occasion de voir ce genre d’article.
Je suis d’accord avec les points évoqués dans l’article.
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