En attendant Ariel et Magyd (1)
"Le bruit de nos deux assiettes que j'empile claque aussi fort qu'une soirée inutile qui conclurait une journée épuisante. La fatigue la fatigue la fatigue. Mon père ne me dit plus rien. Il répète Faut que je dorme. Bon à rien, il ajoute. Il regarde le fond du couloir, tergiverse, pourquoi ne pas se déshabiller tout de suite, se laver les dents, dormir. Il résiste. Si c'est pour se coucher après le travail, le cours et le dîner pour repartir le lendemain, ça ne vaut pas le coup de vivre. Alors il puise. Il pisse et revient, s'affale sur le canapé, fouille les coussins, met la main sur la télécommande. Il tient, il veut de la lumière dans les yeux pour le garder en éveil. Il allume la télévision. Les yeux ouverts, les oreilles avides. Son corps réclame des couleurs vives, des décors scintillants, des lumières fortes, des visages maquillés, des sourires à la caméra, des prompteurs cachés, de l'action, des fous rires, des chutes, des chansons connues, des anecdotes, des bouts de la vie des autres, des pleurs, des génériques, des listes qui défilent sur l'écran, très vite, des spots de publicité courts et drôles, encore de la drôlerie, quand on rit le corps ne s'endort pas, et des jolies filles, des petites brunes assises au premier rang, décolletées, des filles qui sous-entendent qu'elles sont des salopes, qu'elles font des trucs sexuels qu'aucune fille ne fait, et c'est ainsi qu'il veut qu'elles dansent devant lui les jambes écartées, et mon père, s'il avait l'énergie de relever son cul du canapé, il lècherait l'écran."Ariel Kenig, La pause (Denoël, 2006)Ariel Kenig et Magyd Cherfi
seront les invités de la Bibliothèque francophone multimédia de Limoges
(Bfm Beaubreuil)
les 10 et 11 avril, pour une série de rencontres avec le public.
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